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cozyfantasy Fiction

Du foyer à la communauté : quand la Cosyfantasy se fait village

Nous avons précédemment (dans ce billet) évoqué l’importance du foyer dans des œuvres de Cosyfantasy. Ce foyer familial, qu’il s’agisse de famille de sang ou de cœur, n’est cependant pas l’unique mesure du foyer en Cosyfantasy.

Ce sous-genre mettant en avant le bien-être et le bonheur possible dans des univers fantasy où la magie est courante s’intéresse également à la communauté. 

Les foyers que nous avons pu évoquer ont tous en commun d’être situés dans des environnements bucoliques et adorables… mais surtout, de ne jamais laisser le ou la protagoniste livré·e à iel-même. Comme nous pouvions discerner une espérance en la construction d’un foyer pour les protagonistes qui transpire dans la réalité dans un espoir de remettre sur le devant de la scène ce concept, nous pouvons voir un parallèle criant entre les enjeux de solitudes omniprésents et cette projection dans un espace communautaire où, au-delà de sa maison, il est possible de se retrouver chez soi dans les communs. 

Un foyer dans un village 

Tout d’abord il est important de noter une certaine récurrence dans la localisation des demeures choisies dans les ouvrages de Cosyfantasy. Chacun·e choisit son logis en fonction de ses besoins propres, mais nous retrouvons des constances : l’éloignement des villes (Spell ShopHollow BeckHoney Witch), la proximité de ressources naturelles ou de terrains pour la culture (Honey WitchCan’t Spell Treason Without TeaSpell ShopTea Dragon Society…) ou encore des enjeux plus ésotériques liés à la magie particulière des protagonistes (Legends and LattesHoney WitchHouse Witch…). 

Ces besoins amènent une installation dans ou en marge de villages ruraux dans des espaces naturels et de petites communautés. 

Ces installations, souvent couplées à un commerce (le café de Legends and Lattes, la boutique de Spell Shopou de Honey Witch, la librairie de Can’t Spell Treason Without Tea, la boulangerie de Baking Guide, etc.) obligeant un certain nombre de contacts avec d’autres individus. L’équilibre demandé renfonce cet attachement au village : de petites communautés permettent le contact avec d’autres, la présence sur des routes ou en marge de celles-ci, tout en assurant la protection et la tranquillité demandée. 

Les aventures dépeintes dans ces romans induisent le soutien de la communauté, personne ne réussissant de grandes choses seul dans ces univers. Il n’est pas question d’élu·e·s ou de personnes possédant des pouvoirs hors du commun, au contraire : le·a protagoniste de Cosyfantasy est tout à fait commun·e. Habité·e par de bonnes intentions et par une motivation sans faille, iel va remplacer son absence de superpouvoirs par un engagement fort entrainant les autres à sa suite. 

Ces autres ne sont cependant pas positifs dès le premier contact, et une part des enjeux de ces récits est de conquérir le soutien de la communauté et de s’y inscrire. Si cela passe souvent par un lien préexistant (dans Spell Shop, les premiers soutiens connaissaient les parents de la protagoniste ou l’avaient rencontrée quand elle était enfant; dans Honey Witch, l’amour porté à la grand-mère est en partie transféré à sa petite fille, lui donnant une forme d’accréditation); de nombreux autres ont besoin de faire leurs preuves. Se met alors en place tout un système d’échange de services, de care au sens non plus des besoins immédiats du foyer uniquement, mais d’une extension de celui-ci : qu’ils s’agissant d’entretenir des espaces communs, de prendre part à des travaux d’intérêts généraux ou d’aider des personnages grognons, l’économie de service est montrée comme seul véritable moyen de créer et renforcer les liens au sein de la communauté. Cet engagement passe toujours par l’idée que tout le monde est responsable des communs : prendre soin des places et routes du village, de la nature l’environnant ou de prendre en charge une fonction sociale comme l’enseignement ou la tenue de la bibliothèque. 

Pour devenir le village

Cet engagement rejoint ce que de nombreuses personnes appellent de leurs vœux dans notre monde d’aujourd’hui. 

Si l’expression « élever un enfant prend un village » est omniprésente dans les discussions familiales sur les réseaux sociaux, l’absence de celui-ci est particulièrement soulignée. Chacun·e se sent isolé, peu soutenu, laissé·e seul·e face à ses difficultés dans une société ayant du mal à accommoder toute situation ralentissant la productivité de l’individu ou sa place productive et active dans le groupe. Le village qui est supposé aider n’est plus disponible, parce que les familles sont séparées par les kilomètres, ou parce que les structures de soutiens sont distendues (par exemple).

 Cette absence est mise en regard de la nécessité pour chacun·e de décider de faire partie du village des autres si iels souhaitent être soutenu·e·s. Cette décision est au cœur des romans qui nous occupent. Pour que le·a protagoniste accomplisse ce qu’iel souhaite, iel doit s’intégrer dans la communauté déjà existante. Cette intégration passe par le service aux autres, que ce soit par la profession même du personnage (soignante pour Honey Witch et Spell Shop; enseignante pour The Very Secret Society, par exemple) ou par le choix de se placer en soutien des enjeux locaux (par la force politique dans Can’t Spell Treason Without Tea; par sa dévotion dans Monk and Robot, etc.). 

En retour de cette mise au service de la collectivité, les protagonistes reçoivent l’aide qui leur fait défaut. Ainsi, dans Spell Shop, quand la protagoniste a besoin d’être cachée des autorités, les personnes qu’elle a soignées avec ses potions et ses onguents lui offre un refuge; dans Can’t Spell Treason Without Tea, les villageois sont disposés à porter secours à la mage blessée après qu’elle les ait défendus au conseil de la région. Ces échanges sont valorisés, mettant en œuvre un cercle vertueux présenté comme incontournable d’une vie sociale saine. 

Toutes ces œuvres confrontent leur lectorat à la tension entre l’individu pris dans une habitude individualisme et la nécessité d’ouverture, ainsi que sa quête pour trouver son équilibre. Le miroir tendu est assez transparent : ces œuvres exhortent leur lectorat à participer à la création de ce village nécessaire et majoritairement distordu. 

Ce propos d’ouverture s’inscrit par ailleurs dans des circonstances pas si exceptionnelles puisque les récits se concentrent à hauteur d’individus, permettent une militante douce pour la recréation des communs locaux et pour la coconstruction d’infrastructures décentralisées. 


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Emmanuelle Lescouët (10 février 2025). Du foyer à la communauté : quand la Cosyfantasy se fait village. Imaginarium. Consulté le 25 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13ais


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