South of the circle : Visual Novel des émotions

Comme toujours ici, comme indiqué, mais avant de me faire tirer les oreilles : TOUTES les captures d'écrans ont été prises par mes soins sur mon iPhone 11 mini courant décembre 2021.

Je suis une grosse lectrice de « fictions interactives », qu’elles soient américaines et pleines de QTE (Quick Time Event), ou plus proches des Visual novel où le choix se cantonne à des boites de dialogues.  

J’avoue être friande des lectures « simples » qu’ils peuvent être : souvent ce sont de très bons romans qui se lisent avec plaisir. Mon corpus est plus centré sur les littératures de l’imaginaire, mais vous vous en doutez ! 

Alors plonger dans South of the Circle était un peu déroutant… 

Un visual novel émotionnel

South of the circle, de State of Play, paru en 2020, est disponible sur l’écosystème Apple, notamment sur Apple Arcade. (plus d’info sur le Répertoire des Écritures Numériques)

On suit un météorologue qui part faire des relevés en Antarctique pour son département à Cambridge. Il est tout juste sorti de son doctorat et prêt pour sa première mission… Mais bien sûr ce n’est pas si simple.

Son objet d’étude est la radiation et les nuages, sur comment prédire la course de ces derniers. On alterne entre son arc narratif dans la neige et ses souvenirs, l’arc narratif de sa thèse. 

Contrairement à un visual novel classique, on ne progresse pas entre les embranchements narratifs en choisissant des réponses à des dialogues, mais en choisissant l’émotion qui sera transmise. Selon le temps qu’on met à choisir va rendre disponible certaines possibilités, en fonction des réponses précédentes. Il y a quelque chose des jeux en Quick Time Event qui ont fleuri à la suite des jeux Tell Tales.

Ici, le jaune va signifier la joie ou la confiance, l’enthousiasme ; le bleu le positif, le care ; le rouge la frustration et la colère ; le violet la tristesse et le découragement.

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Dans la neige

Peter s’est écrasé avec son pilote avant d’atteindre la base britannique. Ils sont en panne et doivent trouver de l’aide en pleine tempête. Le pilote est blessé et ne peut pas sortir de l’avion. Peter part donc à la recherche de la base dont ils aperçoivent les lumières au loin. 

Il y parvient après plusieurs heures de marche… pour la trouver vide ! Elle est abandonnée, il n’y trouve qu’une boite de médicament et quelques lettres parlant de maladie et de danger. Rien n’est clair si ce n’est que quelque chose de louche a eu lieu.

Il continue donc son chemin vers la base norvégienne qui ne doit pas être très loin et qui devrait pouvoir leur fournir de l’aide. Elle aussi est dévastée, il en sera de même pour la base russe. Entre elles on parvient à trouver des véhicules, mais aucun être humain. Peter finit donc par revenir à l’avion où il rencontre un mécano russe qui décide heureusement de les aider.

Tout est baigné dans la peur de la guerre froide et chaque camp accuse l’autre d’essais nucléaires non maitrisés détruisant la zone. Peter venant d’arriver tombe des nues, sans comprendre que sa mission scientifique n’est qu’une façade, ce qui explique qu’on la confie à un jeune diplômé. Tout concorde pour le plonger plus avant encore dans le désespoir.

Sur le campus

Dans son blizzard il a tout le loisir de se remémorer ses derniers mois sur le campus et l’histoire d’amour naissante avec une jeune collègue : Clara. Tout le roman vidéoludique est construit comme un enchâssement des deux timelines, les imbriquant si finement qu’il est impossible de savoir s’il a complètement perdu la raison ou si ce mécanisme de défense lui permet de tenir le coup.

Les souvenirs sont toujours annoncés par la voix off qui commence à prendre le dessus sur la musique ambiante et l’image suit quelques secondes plus tard. Cette imbrication attachée à de petits objets ou geste : une radio semblable, un virage en épingle, etc., permet de cerner un peu mieux cet homme peu caractérisé sans cela. 

Sur le campus, donc, Peter est doctorant; terrifié par son directeur de thèse qui lui-même a une peur irrationnelle des féministes et des communistes. Les deux groupes qui complotent dans l’ombre pour couler Cambridge (c’est bien connu). 

Alors qu’il essaie en vain de le satisfaire, mais que ses textes et ses relevés sont loin d’être au niveau, ses deux meilleurs amis sont déjà en postes au département et cours le jupon des étudiantes du campus… Lui soutenant que c’est la meilleure manière de « trouver l’inspiration » : how romantic !

Lui rencontre Clara dans le train et tente comme il peut de se lier à elle, malgré ses rappels réguliers que leur relation est avant tout professionnelle. Elle en vient à lui proposer son aide pour sa recherche, lui trouvant le lieu pour ses relevés et allant passer un mois avec lui pour faire les mesures. 

Cependant ni le vieux professeur ni les copains ne sont d’accord pour qu’elle co-signe l’article final… après tout elle a juste eu l’idée qui a fini par débloquer la situation et a permis les mesures… Inutile de souligner qu’avant qu’il accepte la mission au pôle il sera éconduit pour avoir accepté la situation, se disant que si au moins il peut progresser c’est au moins ça, qu’il faut bien trouver un moyen, qu’il n’avait pas le choix. 

Une approche féministe

J’en parlais dans un autre billet sur The Betrayals.

Ici, Clara, l’intrigue amoureuse et le personnage second de l’œuvre, est une universitaire, elle est candidate au doctorat, chargée de cours : une étudiante irréprochable ! Elle est toujours montrée en train de travailler : elle apparait dans une scène où elle corrige des piles de copies, elle est ensuite montrée comme une conférencière pleine de succès (son amphi est plein alors que Peter n’a que trois étudiants), elle publie des articles même si elle a du mal à trouver son sujet de thèse, c’est d’ailleurs elle qui parvient à faire les mesures qui débloque sa recherche.

Elle rappelle régulièrement qu’elle n’a pas le temps qui lui est offert à lui, qu’elle doit faire tout ce qu’il faut au mieux pour rester à son poste : elle a besoin d’appuyer sur la place de « maitre de conférence » de Molly quand Peter la prend de haut, comme surpris qu’elle soit sur le campus… 

Le premier accroc de cette série se trouve au début du texte, après ce qu’on va pardonner à Peter comme une timidité mal placée dans la première scène du train, ils sont dans la voiture et elle trouve le brouillon de son article sur la banquette. Elle propose de le lire, il soutient qu’elle ne le comprendra pas. Dès qu’elle s’énerve, il se rétracte soutenant que c’est son écriture qu’il critiquait et non ses capacités… mais le mal est fait ! 

Finalement tout revient à cette différence de perception en fonction du genre des protagonistes : si lui sera sauvé et finalement mis en poste (même si finalement cela ne lui portera pas chance); elle n’aura sans doute pas de place, accusée de communisme en pleine guerre froide pour avoir eu la drôle d’idée de vouloir être créditée pour son travail. Comme Molly qui est montré comme une militante étudiante, qui sera mise en garde à vue pour lutter contre l’armement nucléaire. 

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